[norbert möslang]

NORBERT MÖSLANG - killer_kipper (Cave 12, 2013)
killer_kipper est un vinyle au format 12 pouces publié par le label suisse Cave 12. Enregistrement d'une courte performance (une petite vingtaine de minutes) de Norbert Möslang (également connu pour être la moitié du duo Voice Crack avec Andy Guhl), ce vinyle n'apporte pas grand chose de nouveau. Les manipulateurs virtuoses comme Möslang ou eRikm sont extrêmement talentueux, leur technique est irréprochable, leur récent duo le prouvait bien d'ailleurs. Mais le renouvellement n'est pas toujours de la partie malheureusement, comme le prouvent tout aussi bien ces trois nouveaux disques du spécialiste des détournements d'objets quotidiens.

Ces quelques réserves étant faites sur l'absence de renouvellement, je dois quand même dire que je reste encore très admiratif (mais pour combien de temps) devant ce genre d'improvisations où s'entremêlent l'eai, la noise et le power-electronic. L'utilisation faite des fréquences quotidiennes par Möslang reste assez extraordinaire. Des boucles de fréquences basses, des irruptions inattendues de larsens explosifs, aux nombreux parasites restructurés en une performance narrative, Möslang maîtrise ses installations, ses préparations, et ses détournements à merveille. Un droit fil est ici tracé par le biais de boucles interminables, sur lesquelles se greffent des interruptions et des incursions de plus en plus fortes, abrasives, et brusques. Une performance très intense, agressive, virtuose et singulière.

[informations & présentation: http://label.cave12.org/#]

NORBERT MÖSLANG - fuzz_galopp (Bocian, 2013)
Avec fuzz_galopp, autre LP publié cette fois par le label Bocian, la tendance narrative et linéaire est accentuée au détriment de la virtuosité et de l'ingéniosité peut-être. Mais je considère plus ceci comme un gain que comme une perte. On s'éloigne un peu ici de la démonstration de force, oui, mais pour approcher une musique plus profonde, sombre et mieux construite. Möslang joue ici sur une tension linéaire et des couleurs très sombres. Il ne s'agit pas de créer de l'intensité en surprenant l'auditeur par des irruptions brusques de larsens, mais plutôt en rendant le son de plus en plus massif. Pas physiquement seulement, mais surtout psychologiquement. La mise en boucle de basses très graves, aux limites de l'audible, de fréquences aussi pénétrantes et profondes, font de cette longue pièce un fil qui pénètre lentement mais surement la perception de l'auditeur. Un auditeur comme pris d'assaut par cette musique de laquelle on ne semble pas pouvoir échapper. Ce mélange de boucles ultra-basses, de pulsations mécaniques (sans samples ni percussions bien sûr) et de sonorités métalliques et industrielles, agrippe l'auditeur et ne le lâche plus. Peut-être moins agressif et virulent que killer_kipper, fuzz_galopp est par contre beaucoup plus profond et haletant, de par son aspect répétitif et narratif. Il reste les dix dernières minutes, plus ambient et créatives, qui ne sont pas forcément à mon goût. Une exploration abstraite des signaux électriques qui rompt la narration précédente et offre une palette par contre assez surprenante de fréquences en tout genre. Excellent travail tout de même.

[informations, présentation & extraits: http://www.bocianrecords.com/releases.html]

NORBERT MÖSLANG - indoor_outdoor (Ideologic Organ, 2012)
Premier vinyle a être paru de cette série de solos, indoor_outdoor est le plus réussi à mon goût, et je ne crois que ce soit seulement dû à la présence de Toshimaru Nakamura sur la deuxième face. La première partie de ce disque publié sur le label de Stephen O'Malley (SunnO)))) réunit tout ce que j'admire le plus chez Möslang. Soit une construction narrative très intense, et un sens du crescendo et de la masse sonore vraiment puissant. On part de pas grand chose ici, quelques parasites disséminés autour de silences, pour finalement arriver à un mur de son inouï. Le genre de pièce qui s'écarte des canons de la musique improvisée pour aborder des structures musicales narratives qui font toute l'intensité du disque. Une construction hallucinante où le son prend une ampleur toujours plus profonde et devient extrêmement massif, un mur où toutes les fréquences sont réunies en une masse stable et renversante.

Sur la deuxième pièce, l'aspect linéaire s'efface un peu au profit d'une musique plus proche de l'eai et du power-electronic. Une musique déstructurée et arythmique où on peine à percevoir l'influence du minimalisme de Toshimaru Nakamura. La table de mixage bouclée sur elle-même et les objets quotidiens craqués se mélangent en un feu d'artifice de composants électroniques amplifiés, du circuit-bending virtuose qui suit quand même un fil conducteur. Car à travers la profusion de parasites et d'explorations soniques, des segments linéaires sont tracés pour ne pas perdre l'auditeur dans la démonstration de force. Une pièce qui en somme peut être parfois très calme et plane, où extrêmement bruyante et fragmentée. La narration n'est pas complètement abandonnée, mais elle est souvent interrompue par de brusques segments massifs et imposants.

Bref, avec ce disque c'est tout le talent de Möslang pour l'exploration sonore comme pour la construction narrative qui ressortent le mieux. C'est aussi le plus brutal et le plus renversant. Parfait en somme pour découvrir ce chef de file historique de l'improvisation électroacoustique live. Recommandé.

[informations & présentation: http://editionsmego.com/release/SOMA008]