arts, installations, collages et manipulations sonores

Intemporal Analogic Sound - Core (2012)

Intemporal Analogic Sound, c'est le pseudonyme de Cyril Badaut, saxophoniste au sein de l'Urban Sax, qui se met ici à la musique répétitive et minimaliste. En fait, toute la démarche est résumée dans ce nom, IAS, car la base du matériau sonore utilisé ici est le support analogique par excellence, intimement lié à la mémoire affective et musicale de beaucoup, le disque vinyle. Souvent qualifiée d'abstraite, la musique de Cyril Badaut me rappelle bien plus la musique concrète, une musique concrète basée uniquement sur la numérisation des défauts du vinyle. Durant quarante minutes divisées en dix courtes pièces, on peut entendre donc les craquements, les grains, et les impacts du diamant sur les micro-sillons, des micro-sillons rayés, éraflés, vieillis. Une matière sonore brute que Cyril Badaut ne modifie que très peu, voire pas du tout, une matière qui est mise en boucle jusqu'à ce que le son révèle sa charge émotive totale. Une démarche fétichiste intéressante, pour une musique entre minimalisme répétitif et réductionnisme, qui risque de plaire à de nombreux amateurs de musique expérimentale analogique et de musique concrète. Ce n'est pas le travail le plus intéressant que je découvre ces derniers temps, mais cette curieuse démarche peut valoir le coup d'oreille.

Aaron Dilloway - Siena (Hanson, 2013)

J'étais déjà ravi d'apprendre que Dilloway avait mis en ligne le catalogue de Hanson records sur bandcamp, mais en plus de ça, cette nouvelle page voit l'arrivée de publications digitales gratuites, dont l'album Siena fait partie. Aaron Dilloway, connu surtout pour avoir participé à l'aventure Wolf Eyes, est également reconnu comme un des maîtres du collage de bandes, aux côtés de Jason Lescalleet notamment.

Siena n'offre pas grand chose de plus que ce à quoi l'on pourrait s'attendre quand on connaît un peu le lascar, mais pour moi, ça marche toujours aussi bien. Des bandes, des boucles, des modifications. Ici, Aaron Dilloway multiplie les matériaux sonores et utilisent des enregistrements de variétés, de la musique folklorique, des field-recordings avec ces inévitables oiseaux, des rythmiques indus, le tout souvent soutenu par un arrière fond électrique fait de buzzs. Des enregistrements ralentis à l'extrême et mis en boucle, des loops saturés et distordus. La musique de Dilloway utilise toutes les possibilités offerte par l'analogique pour produire une musique unique et singulière. Entre le drone, le dark ambient, l'indus et la noise auxquels ressemblent tour à tour ces huit pistes, il y a toujours un fonds atmosphérique assez sombre, une ambiance qui ne relève pas tant du cauchemar, mais plutôt d'un rêve qui part lentement en vrille. Une musique pas loin de l'autisme analogique, du fétichisme des bandes et du génie de la manipulation. Voilà du vrai recyclage, à partir de déchets musicaux et techniques, Aaron Dilloway parvient à toujours renouveler sa musique et à produire une œuvre majeure. Conseillé.

[informations, présentation, écoute & téléchargement: http://hansonrecords.bandcamp.com/album/siena]

Jez Riley French - movere (estonia) (Engraved Glass, 2013)

Je passe un peu du coq à l'âne sur ce message, puisqu'il s'agit ici, principalement, d'exploration de field-recordings et du silence. Rien à voir donc avec les manipulations de cassettes, bandes ou vinyles précédentes - qui n'avaient elles-mêmes rien à voir déjà... Jez Riley French propose ici trois pièces basées tout d'abord sur des enregistrements bruts provenant de la campagne estonienne. Chants d'oiseaux habituels, insectes, etc, et surtout, énormément de silence. Mais ce n'est plus exactement une exploration musicale d'un environnement sonore concret. Il s'agit ici d'un dialogue à deux voix entre les field-recordings et ce que Jez Riley French rajoute par-dessus. Ce dernier se sert en effet du matériau de base comme d'une partition ou d'une grille sur laquelle il peut jouer et dialoguer de manière plus ou moins spontanée. Tout un dialogue s'effectue alors entre les field-recordings d'un côté, le silence de l'autre, et des fréquences radios, des objets métalliques frappés, des micro-contacts frottés, et autres objets difficilement identifiables. Un dialogue où les voix se confrontent et s'opposent la plupart du temps, mais où elles s'intègrent aussi de manière presque magique et fantastique à d'autres moments - comme sur le premier motet où un étrange chœur fantomatique dialogue avec un merveilleux chant d'oiseaux. Un travail très bon où les enregistrements de terrain, la composition, l'improvisation, le bruit et le silence dialoguent de manière équilibrée et sensible.

http://jezrileyfrench.blogspot.fr/2013/01/new-release-egcd043-movere-estonia.html