Chris Abrahams & Sabine Vogel - kopfüberwelle (absinth, 2012)

Près de Berlin (et à Potsdam), dans une église, Chris Abrahams (pianiste de The Necks) et la flûtiste Sabine Vogel se sont retrouvés pour enregistrer quelques pièces flûtes/orgue. Deux instruments qui sont souvent ensemble, mais rarement sous la forme d'un duo. Ici, nous avons tout le loisir d'entendre les possibilités interactives entre ces deux sources sonores exploitées par le duo Abrahams/Vogel.

De nombreux modes de jeux et des relations variées entre les instrumentistes sont explorées sur ces six pièces. Une distinction claire est parfois opérée entre les instruments: courtes notes attaquées violemment contre bourdons éternels, souffles légers contre accord massif, notes suraiguës de l'orgue proches du larsen contre bruits de clefs. Toutes les distinctions sont mises à jour (distinctions soufflets/bouche, ambitus moyen/large, monophonique/polyphonique, etc.) mais aussi les points de jonction et d'accord. L'air tout d'abord, qui active chacun des instruments, et propage les notes. Un air harmonieux où les instruments se confondent parfois, et évoluent ensemble dans un rapport délicat où le moindre mouvement fait vriller les fréquences. L'exploration est quelque peu méthodique et rigoureuse, elle se veut exhaustive, et cela nous réserve la chance d'avoir affaire à une grande variété d'univers sonores.

En parlant de ces univers, de l'impression qu'ils laissent, et en-dehors de toute considération technique, quelques mots. Car bien que ce duo soit virtuose, inventif et talentueux, c'est surtout l'imaginaire développé qui m'a marqué ici. Une sensation paradoxale de pièce poussiéreuse et de musique futuriste m'a souvent frappé en fait. Il y a un je ne sais quoi de rétro-futuriste. Comme découvrir un grenier plein de souvenirs, mais de souvenirs futurs (ce qui n'est pas sans rapport avec l'approche expérimentale d'instruments ancestraux bien évidemment).

Une musique puissante qui magnifie l'orgue, la flûte, et la relation entre ces deux instruments. Mais aussi une musique qui semble prêter une grande attention à l'espace sonore, et aux résonances architecturales. Sur ces six pièces, C. Abrahams & S. Vogel dévoilent une musique inattendue et des atmosphères surprenantes et créatives. Du très bon travail (et livré, comme d'habitude chez absinth records, dans une très belle pochette faite main au format 45 tours).