mpld - one more episode in between recollection and amnesia (Unframed, 2006/2011)


Nouvelle édition de one more episode in between recollection and amnesia, un disque publié en 2006 en seulement dix exemplaires sur le label de Gill Arnò (alias mpld), également compositeur de cette œuvre. Cette fois-ci, la réédition valait vraiment le coup pour cette œuvre ambient et expérimentale, riche et éclectique. 

mpld débute sa suite avec une très courte introduction de 45 secondes au piano préparé, où flottent quelques accords épars aux résonances très métalliques. A partir de ce matériau introductif, des sons sont repris et manipulés par différents procédés numériques, auxquels s'ajoutent également les drones et les sons extraordinaires fournis par les rétroprojecteurs préparés, instrument qui est la signature même de ce sculpteur sonore new-yorkais. Sur les premières pièces, on entend surtout de drôles de triturations métalliques et mécaniques, comme une préparation et un ajustement du matériel, des bruits surprenants brisent l'espace aéré et lent des pièces. Pièces méditatives, qui plongent l'auditeur dans l'attente et dans l'expectative, jusqu'à ce que son attention soit retenue par une des nombreuses aspérités qui fracturent irrégulièrement cette structure apparemment aléatoire. A partir de la quatrième pièce, les drones typiques de mpld prennent places, et agrippent l'auditeur. Ces étranges drones mécaniques produits par de très courtes vagues régulières, par des battements qui rappellent facilement les hélices d'un hélicoptère avant qu'elles ne soient recouvertes par d'épais brouillards hallucinogènes. 

Voilà pour les quatre premières pièces, vient ensuite "four flashbacks", la plus longue de toutes (vingt minutes) et surtout la plus belle! Des flashbacks, il y en a durant les premières minutes, où mpld réutilise des matériaux déjà entendus tels les manipulations métalliques et des extraits de drones, auxquels il ajoute quelques ondes sinusoïdales légères et mouvantes. Tout ceci ressemble à du drone toujours, sauf qu'il n'y a pas grand chose de statique ni de linéaire, progressivement et imperceptiblement, l'univers s'épaissit, s'aère, se rétrécit, s'élargit, prend des couleurs ou s'assombrit, l'espace change de dimensions au fil de la pièce sans que l'on ne s'en rende compte et sans qu'on l'attende non plus. Puis une ligne s'installe tout de même, une ligne néanmoins discontinue sur laquelle se succèdent différents types de textures. Magnifique pièce qui lie savamment continuité et discontinuité, dans un étirement du temps fait de ruptures, pour une espace linéaire et sinueux.

Quant à la dernière pièce, elle est composée de field-recordings manipulés et retravaillés. Sculpture sonore d'éléments disparates qui forment de longues nappes avec leurs longues aspérités sinueuses, "afterthought: 061211" reste dans un univers proche du drone toujours, dans son aspect lisse et continu, où le temps s'étire infiniment mais où l'auditeur peut se raccrocher à des éléments signifiants parfois, tels ceux qui étaient déjà présents dans les précédentes pièces, des souffles qui ne sont pas sans rappeler un vent marin, et des bricolages aléatoires d'objets divers. Un territoire sonore froid, inquiétant et envoûtant, un peu à l'image du reste de cette suite où les grands espaces sinueux laissent place à une confrontation magistrale entre le chaos des ruptures irrationnelles et des bourdons obsessionnels et obsédants. En somme, un très bon disque original et absorbant!

unframed recordings and other multiples I

Richard Garet/Brendan Murray - Of Distance (Unframed, 2009)

Garet et Murray ont improvisé différentes pièces qui ont par la suite servi de matériaux sonores à Of Distance, un album réédité aujourd'hui sur le label Unframed. Dans une approche drone et musique ambient, le duo utilise des manipulations digitales, des procédés informatiques et quelques instruments analogiques semble-t-il. Des bourdons se superposent à des field-recordings mis en boucle, de longues nappes et des textures étranges autant que sombres se succèdent. Il n'y a rien de vraiment nouveau et autant dire que j'ai eu du mal à pénétrer cet univers micro-structural et linéaire. Les deux longues pièces qui forment Of Distance sont lisses, dans les deux sens du terme, c'est-à-dire sans pulsation ni relief, seules les textures changent progressivement de couleur tandis que l'intensité reste la plupart du temps assez constante. Il y a de nombreux changements, des mouvements impénétrables qui peuvent malencontreusement paraître inconséquents. Même si les textures produites sont plutôt réussies, je n'ai pas réussi à m'imprégner de la structure narrative que prennent ces pièces, pas moyen de trouver un point d'accroche dans ces mouvements sonores beaux aux premiers abords, mais comme dénués de sens. C'est vraiment dommage de s'arrêter sur cette structure et cette progression/évolution qui manquent d'un aspect envoûtant et absorbant, car la couleur des différentes nappes est souvent réjouissante (même si elle manque parfois de nouveauté) et toujours très bien travaillée. Ceci-dit, la deuxième pièce prend plus de reliefs, il y a quelques ruptures qui viennent rompre la continuité des nappes, et la palette s'élargit considérablement, la gamme des couleurs tout autant que les variations d'intensités, cet élargissement et cette ouverture font de "The tyranny of the objects" une pièce plus captivante et intéressante, en tout cas moins soporifique que "In parallel". En gros, je suis plus que partagé, et j'attends d'en entendre plus de ces deux compositeurs...


Gill Arnò - Nervatura (Unframed, 2008)

Publié en 2008 sur le label de Gill Arnò lui-même, Nervatura a été édité à ce moment à seulement dix exemplaires dans des pochettes faites à la main. Aujourd'hui réédité dans la reproduction d'une des pochettes, on peut à nouveau écouter cette suite du proche collaborateur de Ben Owen. Si l'on commence déjà à percevoir faiblement des drones qui feront bientôt la spécificité de Gill Arnò (alias mpld), c'est-à-dire à partir de rétroprojecteurs préparés, ces trois pièces sont surtout axées sur des field-recordings. Constructions phonographiques et assemblements de différents préenregistrements, citadins par moments, contemplatifs et urbains, post-industriels à d'autres, ou à l'intérieur d'espaces intérieurs aux acoustiques ouvertes et particulières comme des halls, ces trois pièces plutôt ambient produisent un univers étrange et sensible où les sons valent pour eux-mêmes, où ils perdent leur référent au profit d'une texture étrange et méditative (même si les coordonnés géographiques des enregistrements sont indiqués...). Cependant, encore une fois, je n'ai pas vraiment réussi à pénétrer ce territoire mystérieux mais chancelant, et j'ai du mal à parler de musiques qui ne m'évoquent rien, et ne me font ressentir que peu de choses. Une musique à méditer, au casque, qui demande beaucoup de disponibilité mais qui n'a pas su retenir mon attention malgré la sensibilité des traitements et des constructions sonores. Mais je pense qu'elle peut amplement convenir aux amateurs de field-recordings. 

Aki Onda - Diary (Unframed, 2011)

Depuis maintenant une vingtaine d'années, Aki Onda compose un journal de bords à partir de fragments sonores capturés sur des cassettes lors de tous ses voyages. Régulièrement, ces cassettes servent de bases aux concerts de l'artiste japonais, cassettes qu'il rejoue hors de leur contexte et qu'il modifie en temps réel. Certainement impressionné par ce rapport étrange au son et à l'enregistrement, Gill Arnò a décidé de publier ce journal dans la mesure du possible. Il s'agit donc d'un recueil de photos où est représentée une quarantaine de cassettes de la collection d'Aki Onda, d'un essai de quelques pages sur son lien à ce support depuis l'achat de son premier baladeur cassette en 1988, et d'une cassette d'une heure avec un enregistrement sur chaque face. Une publication assez fétichiste en somme... La première face a été enregistré de jour sur la plage de Celestún au sud du Mexique: un enregistrement bruyant où les vagues se mêlent à un souffle constant dans un chaos sonore au spectre excessivement large pour former une nappe extrêmement dense, tellement dense qu'on en oublie parfois la source. La deuxième face est un enregistrement dédié à Marguerite Duras, capturé de nuit cette fois sur la plage de Trouville, au nord de la France, où la dédicataire a résidé. La marée est cette fois beaucoup plus aérée, on peut aisément distinguer le mouvement des vagues auquel s'ajoutent des grillons et autres insectes nocturnes. Deux faces imperturbables où la moindre anomalie paraît aberrante (que ce soit une mouette ou un moteur), mais surtout deux faces qui me laissent de marbre malgré le soin apporté à bien distinguer les différences qui surviennent selon les micros et les environnements sonores même s'ils peuvent a priori paraître indiscernables, telle la différence sonore entre deux plages.

Toshimaru Nakamura / John Butcher - Dusted Machinery (Monotype, 2011)

En 2004, le saxophoniste anglais John Butcher, virtuose des saxophones soprano et ténor, inaugurait son propre label avec un album solo enregistré dans une sorte de caverne japonaise. Pour conclure cet album, JB a invité un des papes du réductionnisme, Toshimaru Nakamura, pour une dernière piste très étonnante de vingt  minutes. Huit ans plus tard, le duo réductionniste Nakamura/Butcher (table de mixage bouclée sur elle-même/saxophones soprano et ténor) revient avec Dusted Machinery, publié par le label polonais Monotype.

La première piste de cette suite de quatre pièces donne très bien le ton de ce qui suivra. Un crescendo de dix minutes qui commence par de faibles crépitements, de légers larsens et des souffles liquéfiés. Petit à petit, le ton monte, les harmoniques se font plus denses grâce aux modifications de la colonne d'air parfaitement maîtrisée par JB, aussi bien contrôlée que la table de mixage de TN qui s'est fait depuis une vingtaine la figure emblématique de l'électronique réductionniste. Les défaillances électroniques sont amplifiées, saturées, distordues, en parfaite osmose avec le jeu toujours aussi impressionnant du saxophoniste anglais. Car ce dernier n'en est pas à son premier duo en compagnie de machines, on peut se rappeler par exemple les deux merveilleuses et fameuses collaborations avec Phil Durrant à la fin des années 90 (une des plus grandes découvertes d'eai que j'ai pu faire); et c'est aussi et surtout grâce à cette longue expérience aux côtés de machines que l'interaction entre ces deux grands musiciens paraît si réussie et incroyable.

Plus orientée vers l'eai à proprement parlé telle que l'entendais JB à l'époque de ses collaborations avec Durrant, voire même vers la noise à certains moments, et non vers le minimalisme onkyo tel que le pratiquait TN, Dusted Machinery oriente néanmoins les deux musiciens dans deux directions différentes de leurs habitudes. L'étroite interaction entre chacun amène TN à se désinhiber, à élargir son spectre et à s'engager dans des dynamiques plus véhémentes et plus fracturées que d'habitude: les lignes produites tout au long de ces 45 minutes ont une texture plus dense, elles se fracturent plus facilement, et forment des volumes d'une intensité inhabituelle. Mais l'influence s'exerce dans les deux sens, et le jeu de JB se trouve aussi modifié par la présence de TN, la virtuosité et la créativité du saxophoniste servent des textures plus continues que d'habitude, JB s'oriente plus vers le son à proprement parler que vers les dynamiques, et inversement pour son compagnon de route.

Une place primordiale est de toute manière accordée à ces deux paramètres: le timbre et la dynamique. Quelle est la dynamique d'une texture, quelle est l'énergie d'un son, qu'il soit simple ou composé? Telles semblent être les questions auxquelles répond le duo Nakamura/Butcher durant Dusted Machinery. Et les réponses apportées sont surprenantes, car les textures sont d'une nouveauté et d'une énergie incomparables, la proximité et le talent avec lequel chacun des deux musiciens répond à la ligne tracé par l'un avec une autre ligne en parfaite osmose est vraiment impressionnante, ceci malgré les différences entre ces deux instruments qui peuvent de prime abord paraître inconciliables. Un duo incroyable, puissant, intense, dense, en profonde fusion: hautement recommandé!

http://www.monotyperecords.com/en/mono041.html

Hoffman/Zarzutzki + Noish/Xedh + Hoffman

Aaron Zarzutzki & Nick Hoffman - Exhaustive Expulsion (Pilgrim Talk, 2012)

Quatrième publication du duo Zarzutzki/Hoffman, Exhaustive Expulsion est un recueil de plusieurs enregistrements live regroupés sur deux cassettes. Près de deux heures d'improvisations brutes, abstraites, post-industrielles, voire post-électroacoustiques. Les instruments ne sont pas indiqués ni sur les cassettes ni sur le site du label, mais on peut entendre une trompette, quelques cymbales, des dispositifs électriques et électroniques, le souffle de câbles jacks, des platines et des bandes magnétiques, etc. L'absence de structure, de pulsation, de mélodie, de beauté au sens social, tous ces éléments peuvent évidemment servir à qualifier cette suite de "non-musique". Mais au-delà de l'aspect extrêmement abstrait et brut de cette suite, il faut quand même remarquer l'esprit aventureux de ce duo qui tente d'explorer un nouveau terrain sonore, fait de silences, du fracas aléatoire d'objets choisis dans le quotidien, d'électronique low-fi, de recherche acoustique brute et sale à travers les résidus des nouvelles musiques comme des nouvelles technologies.

Évidemment, l'écoute de ces improvisations est difficile, autant à cause de leur longueur que de leur abstraction radicale, hors de tout idiome. Peut-être d'autres seront-ils également offusqués par le son volontairement crade et brut de ces enregistrements. Quant à moi, même si je m'impatiente devant quelques longueurs, je reste quand même admiratif devant la volonté radicale de ce jeune duo originaire de Chicago de sortir des terrains battus de l'eai et des musiques improvisées en général. Une sculpture sonore sans trop de reliefs mais pleine d'aspérités et de sinuosités. Une exploration brute et extrême de la matérialité du son, amplifiée par le grain sale des bandes magnétiques, une aventure osée à travers des improvisations linéaires et fracturées, sales et escarpées, mais en tout cas assez fraîches et originales.

http://pilgrimtalk.com/PT19.html

Noish & Xedh - rlhaaa to (Pilgrim Talk, 2012)

Si je n'avais pas trop aimé le mini cdr de Miguel A. Garcia (aka Xedh) publié sur Ghost&Son, cette cassette en duo avec Noish (Oscar Martin de son vrai nom) m'a beaucoup plus convaincu. Pour rlhaaa to, le duo Noish/Xedh a composé deux pièces d'environ vingt minutes chacune. Une pièce par face, toutes deux maintenues par une cohésion et une continuité, malgré la rupture du changement de face. Ça commence par des textures abrasives où se mélangent des bruits parasites et des interférences électriques, accompagnés de quelques objets et divers sons préenregistrés, ainsi que d'une radio. L'intensité monte petit à petit, faible au départ, elle est parfois rompue par des interruptions analogiques puissantes, mais il faudra tout de même longtemps avant de sortir de l'enchevêtrement de câbles jack avec leur souffle parasitaire et de manipulations électriques sur les interférences. Mais même si ce n'est pas fort, il y a tout de même une forte tension, une ambiance presque angoissante où les bruits les plus incongrus peuvent surgir à tout moment, de manière souvent inattendue.

Comment les deux artistes sonores espagnols parviennent à sortir de ce fatras de bruits hétéroclites et parasitaires? Réponse: l'analogique bien sûr. Synthétiseur analogique à fond, trituration de bandes, la puissance de l'analogique renverse la quiétude et la méditation digitales. Les sinuosités tracées par les interférences deviennent de vrais reliefs et une nouvelle dynamique semble engagée. Une dynamique beaucoup plus puissante et forte, tout aussi fracturée et ponctuée d'évènements inattendus et hétérogènes, de manipulations et de déconstructions sonores qui forment des textures denses et des dynamiques violentes et puissantes.

Deux pièces inspirées par l'eai et la musique concrète, puissantes, denses et intenses. Recommandé!

http://pilgrimtalk.com/PT18.html
http://pilgrimtalk.bandcamp.com/album/rlhaaa-to


 Nick Hoffman - Hell House (Pilgrim Talk, 2012)

Pour finir cette chronique à propos du label expérimental Pilgrim Talk, quelques mots sur Hell House, plus pour signaler sa présence que pour le chroniquer. Je ne veux pas trop en dire parce que je n'ai pas du tout aimé ce disque. Je ne sais pas comment le prendre, je ne sais pas si c'est une blague ou non, s'il faut le prendre au premier degré ou rire avec Nick Hoffman, car le contenu est vraiment surprenant: huit morceaux assez courts pour ce CD-R de vingt minutes, huit pistes qui flirtent avec le black metal, le hardcore, le metal symphonique et le punk. Une distorsion dégueulasse sur la voix et la guitare, des riffs sortis tout droit d'une série Z des années 80/90, genre production Trauma; et pourquoi Nick Hoffman, aka Eyeless Executioner pour ce projet, a-t-il pris cette initiative de revenir à des formes désuètes du métal, à des clichés pareils? On pourrait penser à une démarche similaire à Mr Bungle ou Franck Zappa, mais je n'ai pas du tout ressenti le moindre recul ni la moindre ironie dans ces huit morceaux étranges. J'espère en fait que c'est une blague, car c'est bien la seule manière de pouvoir considérer ces pistes avec un minimum de respect et d'intérêt.

Ceci-dit, le plus intéressant dans Hell House est plutôt le magasine dans lequel le disque est livré. 56 pages de dessins aux traits enfantins mais aux contenus beaucoup moins innocents. Un trait gras pour un humour gras (ce qui me laisse penser que la musique de Nick Hoffman est tout de même à prendre au sixième degré), où sang, sexe, et politique, se chevauchent dans des planches volontairement crades mais sans tabous.

http://pilgrimtalk.com/PT16.html
http://pilgrimtalk.bandcamp.com/album/hell-house

Ghost & Son

Jin Sangtae - Sacrifice 2 (Ghost & Son, 2012)

Sacrifice 2 est un mini CDR de l'artiste sonore coréen Jin Sangtae publié par un label de Nick Hoffman, Ghost & Son. Un disque extrême, radical et très étrange à vrai dire, difficile d'écoute malgré le peu de temps qu'il dure, c'est-à-dire, 25 minutes. A l'intérieur du disque, Jin Sangtae n'est crédité qu'aux klaxons, mais on peut entendre de nombreux objets percussifs ainsi que différents larsens et quelques manipulations électroniques. La structure est difficilement identifiable en fait, après des silences et des sons indéterminés, des sons aussi percussifs que bruitistes, voilà qu'un klaxon, apparaît, neutre, fort, surprenant, quand ce n'est pas une fréquence suraiguë alarmante, autant de fractures qui viennent rompre une dynamique globale plutôt calme.

Sur cette unique pièce, Jin Sangtae s'amuse à rompre les habitudes, à jouer sur les discontinuités au niveau des timbres comme au niveau des dynamiques. Le klaxon, comme gêné par une feuille de papier qui le fait trembler, ainsi que des larsens, viennent irrégulièrement briser la ligne tracée par les percussions chaotiques, calmes et industrielles, mais également les lignes tracées par les silences. Difficile de cerner la logique des ruptures, les lignes sont cassées de manière apparemment irrationnelle, on sait seulement qu'il vaut mieux ne pas s'habituer à un univers, dans la mesure où il sera nécessairement brisé par un élément sonore toujours plus improbable, toujours plus fort, et toujours plus radical, dans son intensité comme dans son opposition.

Une pièce extrême, violente, radicale, et originale: à écouter.

Miguel A. Garcia - red river/rio tinto (Ghost & Son, 2012)

A partir d'enregistrements des voix d'Alba Burgos et Ohiana Vicente, des percussions de Raul Dominguez et des guitares de Carlos Valverde, Miguel A. Garcia (alias Xedh) a composé une musique brutale, sale, violente et extrême. Durant neuf pièces qui durent en tout 25 minutes, MAG compose une musique noise, hardcore, électrique et grasse, basée sur la déconstruction des enregistrements proposés par ses amis. Un son très brut, une énergie très bestiale, des structures éclatées, une texture saturée, red river/rio tinto nous plonge dans les bas-fonds de la musique noise, à tendance harsh, low-fi et métal.

Neuf pièces intenses, très fortes, crades, bestiales. Peut-être originales, mais malheureusement plutôt fatigantes. Si cette suite respire l'underground, il  n'en reste pas moins que l'absence de développement et de continuité, en plus de la saturation exacerbée, m'ont empêché de pénétrer cet univers sans me lasser ou m'énerver...

David Maranha+Z'ev / Eliane Radigue-Kasper T. Toeplitz / Bruno Duplant&Philo Lenglet

David Maranha + Z'ev - Obsidiana (Sonoris, 2012)

Obsidiana, un album envoutant, industriel, magique, sombre et mystique, tels sont les premiers qualificatifs qui me sont venus à l'esprit en écoutant cette merveilleuse rencontre entre le percussionniste Z'ev et le musicien portugais David Maranha, à l'orgue Hammond sur cette pièce de 35 minutes. 35 minutes envoutantes et magnifiques où l'atmosphère minimaliste de Maranha rencontre l'univers post-industriel kabbalistique de Z'ev. Un long fleuve de nappes électromécaniques froides et saturées soutenues par des rythmiques extatiques et sombres, intimistes et ésotériques. L'orgue forme des bourdons fluctuants, instables, précaires et tendus, tandis que Z'ev percute de manière autiste et obsessionnelle des maracas, une grosse caisse ou des cymbales. La pulsation s'oppose au drone, mais vient un moment où elle forme elle-même le drone, et où l'orgue reprend une fonction presque mélodique. Les rôles s'échangent et s'inversent de manière obscure, le mouvement est imperceptible, à moins que chacun assume constamment toutes les fonctions, rythmiques, pulsatives, mélodiques, ou d'accompagnement. Et tandis que la frontière devient floue entre ces fonctions, tandis que l'interaction entre chacun confine à la symbiose la plus parfaite, la tension monte, imperceptiblement aussi, mais latente et constante; le moindre mouvement semble annoncer l'apothéose, le climax, la fin de cet épisode post-industriel décharné et désincarné. L'orgue, élément liquide bercé entre des nappes d'eaux contraires, est constamment soutenu et alimenté par le feu des percussions. Les éléments semblent se déchainer contre l'ordre des machines, contre l'aliénation, mais c'est aussi une forme spirituelle de désengagement matériel et de révolution esthétique qui pointe le bout du nez dans cette pièce qui hésite perpétuellement entre la musique tribale et le drone, entre le rite et le mécanisme, entre l'électrique et l'acoustique.

Une magnifique rencontre entre deux univers qui forment une pièce complexe, hésitante et floue, mais cependant exceptionnellement mouvementée, intense, puissante, et envoutante. Minimalisme obsédant et couleurs froides et industrielles fusionnent en une musique très prenante et surprenante, forte et radicale. Entêtant, envoutant encore une fois, et aussi obsédant que son titre l'indique, Obsidiania est une pièce hautement recommandée!

Éliane Radigue - Kasper T. Toeplitz - Elemental II (Recordings of Sleaze Art, 2012)

En 2004 a eu lieu la création de la première pièce instrumentale d’Éliane Radigue suite à une demande du bassiste Kasper T. Toeplitz. Pièce née d'une discussion sur les sons que peuvent générer une montagne après la pluie. Quelques sept années plus tard, Kasper décide d'enregistrer une nouvelle version de cette longue pièce méditative. Voilà pour les informations élémentaires justement...  

Elemental II est et reste une pièce minimaliste saisissante et également envoutante; des nappes statiques de près de dix minutes se succèdent au sein d'un temps cosmique, à l'intérieur d'une pulsation sociale abolie au profit d'un rythme éternel au-delà de l'entendement et des capacités perceptives de l'homme. Si une compositrice se sent à l'aise au sein du rythme cosmique, c'est bien Radigue, femme surprenante qui parvient à produire des fragments d'éternité depuis plusieurs dizaines d'années, ce qui l'a d'ailleurs attiré vers le bouddhisme. Mais attention, c'est sa perception aiguisée qui l'a amené à adopter cette religion, et non l'inverse. Les rythmes et le temps propres à l'univers ont toujours été perçus par ER, ils font partis d'elle, de sa perception et de son environnement, partie intégrante de sa personnalité aussi bien que le temps social et musical pour nous.

Pour Elemental II, elle a donc écrit une pièce lisse, lente, longue, et méditative d'environ cinquante minutes. Je disais que les nappes étaient statiques, mais il y a toujours du mouvement au sein de cette immobilité, une fluctuation inhérente à chaque élément étiré durant des minutes interminables. Les nappes se succèdent et se chevauchent en même temps, l'une venant sensiblement se greffer tandis que la première se retire et s'évapore imperceptiblement. Je ne sais pas comment KTT produit ces nappes et peu importe, même si leurs couleurs sont souvent aussi envoutantes que le rythme qui les porte. L'important est dans ce temps pris organiquement à méditer sur chaque élément qui compose la pièce, sur chacune de ses parties évoquant cette fameuse montagne après une pluie. Contemplation minimaliste d'éléments mobiles dans leur immobilité, pulsés dans leur arythmie.

Magnifique collaboration entre l'interprète et la compositrice, Elemental II est une œuvre minimaliste magistrale, spirituelle, poétique, organique et cosmique. Recommandé!

Bruno Duplant & Philo Lenglet - La moindre des choses (Con-v, 2012)

Dans une lignée minimaliste toujours, voici un très beau duo de Philo Lenglet et Bruno Duplant, enregistré dans la salle de bain de ce dernier et publié par le netlabel espagnol Con-v. Il n'est pas précisé sur la pochette quel instrument est joué par qui, mais on peut entendre des instruments frottés, ebow, ondes sinusoïdales, percussions, micro-contacts, objets et amplis. Les deux improvisateurs originaires du nord de la France s'associent ici le temps de trois pièces minimales qui ont chacune leurs particularités et dégagent toutes une ambiance singulière.

La première pièce de cette suite, Vers d'autres rives, est composé d'un drone grave et statique sur lequel se greffent différents éléments qui se répètent tout au long de la pièce, des objets métalliques percutés à un rythme régulier durant quelques secondes, des cordes frottés de manière également obstinée pendant un court temps aussi, quelques ondes qui se répondent. Peu d'éléments, peu de mouvements, mais chaque son peut prendre une nouvelle signification et une nouvelle résonance selon le nombre de répétition qu'il a subi, selon ce qui l'a précédé et ce qui lui succède. Au sein d'une dynamique figée et à partir d'un bourdon statique, les éléments évoluent et se modifient dans un contexte immobile; une pièce envoutante et savamment agencée.

La forme du monde, deuxième partie de ce disque, est basée sur une corde de contrebasse frottée par Bruno. Frottée durement pour arrondir et épaissir le timbre ou plus doucement parfois pour former des harmoniques bienvenues, harmoniques qui étendent le spectre global de ce drone. Et c'est à Philo de manipuler divers objets bruyants mais discrets, indéterminés tout en étant poétique. La palette sonore est large et originale et les couleurs sont plutôt attractives pour cette pièce en forme de léger crescendo, peut-être encore plus minimaliste, en tout cas plus abstraite.

Je ne sais pas dans quelle mesure La moindre des choses, dernière pièce qui clôture cette suite et donne également son nom à ce disque, rend hommage, fait référence ou s'inspire du film éponyme de Philibert. En tout cas, comme les précédentes, il n'y a aucune pulsation, le temps est absolument lisse, et le duo français nous plonge encore dans un sentiment d'éternité proche du temps cosmique d’Éliane Radigue. Plus proche de la première pièce, comme si BD et PL voulaient refermer un cercle, La moindre des choses évolue par nappes qui apparaissent, disparaissent et réapparaissent comme des vagues, d'où ce sentiment d'éternité et d'infini qui n'est pas seulement du aux drones.

Trois pièces minimalistes très envoutantes et sensibles, poétiques, qui ne sont pas sans rappeler la mobilité statique et cyclique des mouvements marins et océaniques. Les trois parties de cette suite possèdent chacune leur couleur singulière et portent toutes un univers particulier.

Riche, sensible, intelligent et envoutant; du très bon boulot, mis gratuitement en téléchargement par le label ici: http://www.con-v.org/cnv73.html

Piano/Batterie

Bruno Tocanne & Henri Roger - Remedios la belle (Petit Label, 2011)

Voici un duo de musiciens français que j'entends pour la première fois: Henri Roger au piano et à la guitare, sur qui je n'ai trouvé que peu d'informations, en compagnie du batteur Bruno Tocanne, musicien qu'on a déjà pu entendre sur disque en compagnie de Paul Rogers, Lionel Martin, ou encore Sophia Domancich. Et pour une première rencontre, autant dire que j'ai plutôt apprécié, sans pour autant être totalement convaincu. La formule piano/batterie marche très bien, le dialogue entre les deux musiciens est précis, interactif, puissant et énergique. Du free jazz volubile avec des teintes RIO pour les longs développements très intenses, teintes qui rappellent parfois le duo Satoko Fuji/Tatsuya Yoshida. Ceci-dit, une fois que Henri Roger prend sa guitare, le dialogue devient plus lent, sans que l'on sache vraiment où les deux improvisateurs tentent de nous amener; plus méditatives, ces improvisations n'explorent apparemment aucun paramètre précis, ni véritablement la mélodie, ni l'intensité, ni le dynamisme, ni le timbre, à moins que ce soit un peu de chacun en même temps et indistinctement. Mais lorsque le dialogue se fait plus nerveux, l'énergie véhiculée et ressentie est primitive, brute, forte: l'improvisation qui suit a priori un fil narratif inspiré du roman de Gabriel García Márquez, Cent ans de solitude, semble plutôt suivre le fil spontané d'un dialogue instinctif et corporel, d'une interaction où seule la dynamique semble préméditée, et qui laisse libre cours à une multitude de possibles. Ceci-dit, ne venez pas chercher une formule vraiment neuve du duo piano/batterie, il s'agit de formules souvent déjà entendues, certes réappropriées, mais qui n'offrent pas d'intérêt pour leur nouveauté. Car avant d'histoire de la musique, il s'agit de musique et de sentiments, et la musique comme les sensations présentes durant Remedios la belle sont souvent fortes, à condition que la guitare laisse place au puissant piano de Henri Roger, et qu'un dialogue équilibré puisse avoir lieu avec le batteur créatif et sensible, Bruno Tocanne. En somme, 14 improvisations pas forcément surprenantes, mais tout de même fraîches et fortes pour la plupart, malgré quelques lenteurs par moment.

Quelques extraits peuvent être écoutés sur le site du Petit Label: http://www.petitlabel.com/pl/disque.php?ref=PL%20kraft%20031

 Donkey Monkey - Hanakana (Umlaut, 2011)

Autre duo piano/batterie publié cette fois par le label Umlaut. Il y a quelque chose de très free dans ce duo, mais un free beaucoup moins orthodoxe que le duo Roger/Tocanne. Donkey Monkey, c'est la (deuxième) réunion de la pianiste française Eve Risser (piano, piano préparé, voix) et de la percussionniste japonaise Yuko Oshima (batterie, voix, sampler); mais c'est avant d'être une rencontre franco-japonaise, une rencontre surtout entre une multitude d'influences et de formes. Il n'y a qu'à regarder les titres pour s'en apercevoir, références directes ou reprises de blues, de boogie woogie, de Conlon Nancarrow, Ligeti, ou encore Carla Bley. Et pourtant, la musique de ce duo est facile, à écouter en tout cas, et non pas à écrire, car l'écriture est souvent assez complexe. Le dialogue établi entre ces deux musiciennes qui collaborent depuis presque dix ans maintenant est intime, précis, interactif, la hiérarchie instrumentale est abolie au profit d'un son collectif puissant et hors-norme. Car Donkey Monkey sort des sentiers battus tout en s'immergeant dans les convenances: la musique est souvent mélodique, Yuko ne recule pas devant des rythmiques primitivement binaires, et Eve n'est absolument pas effrayée par l'échelle harmonique. Toutes s'approprient les matériaux musicaux pour les mélanger en une mixture personnelle et puissante, teintée d'énergie rock, de polyrythmies entêtantes, de chants naïfs, de timbres forts, dans une dynamique toujours accessible sans pour autant faire dans le cliché. Le cliché est au contraire aboli dans une expropriation fraîche et très singulière. Comme si le boogie woogie s'était transformé en free jazz, ou Ligeti en rock, tandis que l'hommage à Nancarrow semble être un hommage à un Nancarrow ivre et vertigineux tant les superpositions sont déstructurées, alors que les préparations cagiennes du piano servent une dynamique proche du blues à certains moments.

Une musique en constant décalage, nerveuse et impulsive, puissante et originale, pour une écoute agréable servie dans un cocktail étonnant et explosif de formules musicales singulièrement réappropriées.

Extraits ici: http://www.umlautrecords.com/album/hanakana

i treni inerti - luz azul (Flexion, 2012)

i treni inerti est un duo qui joue depuis 2003, composé de Ruth Barberán à la trompette (et objets) et Alfredo Costa Monteiro à l'accordéon (et également aux objets). Creative Sources avait déjà publié deux albums de ce duo en 2003 et 2004, et c'est maintenant au tour de l'accordéoniste suisse Jonas Kocher de publier ce magnifique duo sur son label Flexion, label qui après un très réussi duo Kocher/Doneda, réitère avec une publication très prometteuse!

Car oui, luz azul est franchement et simplement magnifique. Le principe de base est simple, le duo a enregistré cette pièce dans un champ d'oliviers situé entre deux rails de trains de marchandises, une nuit de septembre 2010. On comprendra vite que l'environnement prend ici une présence et une signification importantes dans la structure de la pièce. Quant à la musique elle-même, il s'agit d'une pièce assez minimaliste mais tout de même riche en évènements. La même note est répétée à intervalles réguliers, ou le même accord, ou encore l'harmonique d'une cymbale frottée, mais si les sons sont linéaires et réguliers, ils ne sont pas lisses pour autant. Il y a d'une part une lente pulsation toujours présente, une pulsation pas forcément régulière, une pulsation organique, voire cosmique. Et d'autre part, l'environnement et les objets forment régulièrement des accidents, comme ces oiseaux que l'on entend, et bien sûr ces trains mugissants qui traversent la pièce selon une autre pulsation encore, mais de manière rationnelle toujours, et il s'agit pour le duo de répondre à cet environnement, d'y répondre aussi bien par le silence que de manière instrumentale.

Étrange sensation que cette musique procure, car bien qu'elle soit minimale, les nombreux accidents et les réponses envisagées et chaque fois renouvelées par le duo procurent à cette musique une forme de richesse qui semble inépuisable. Et c'est le minimalisme de cette richesse qui forme certainement la puissance de chaque partie de cette pièce merveilleuse, pièce qui forme une narration post-industrielle, qui tente de répondre esthétiquement à une machinerie industrielle oubliée. Bien sûr, la puissance de luz azul provient également de la prise en compte de l'environnement et du terrain d'enregistrement, terrain qui devient l'alter ego de Matt Davies, troisième membre d'i treni inerti entre 2001 et 2003. Car le duo entre véritablement en interaction avec l'environnement spatial et sonore de la performance, une interaction si sensible et réussie que cet environnement se personnalise et s'individualise, au point de quasiment accéder au statut de troisième musicien.

Poésie de l'espace, poésie du timbre, de la texture des notes répétées simplement jusqu'à ce que l'on parvienne à accéder à leur essence sonore, mais aussi approche sensible et poétique de l'environnement sonore, appréhendé avec sensibilité, précision, et intimité. luz azul est une pièce musicalement extrêmement forte, puissante, sensible, et poétique. Une pièce magnifique et onirique, qui parvient à intégrer l'industrie et l'espace au profit d'une poésie sonore exceptionnelle. Un voyage de cinquante minutes où l'on est bercé entre le bonheur et la jouissance, malgré les nombreuses teintes mélancoliques: hautement recommandé!
I treni inerti from Alfredo Costa Monteiro on Vimeo.

Ras de marée

Compilation - Marées de hauteurs diverses (Insubordinations/Tsuko Boshi, 2011)

Compilation publiée en CDR et en téléchargement libre par les labels Insubordinations et Tsuko Boshi Records, Marées de hauteurs diverses réunit sept musiciens électroacoustiques qui retravaillent chacun à leur manière un album de Diatribes et Abdul Moimême: Complaintes de marée basse, également publié par le netlabel Insubordinations. On trouve donc sur cette compilation, dans l'ordre, Blindhæð, Nicolas Bernier, Honoré Feraille, Ludger Hennig, Mokuhen, Francisco López, et Herzog.

Autant l'avouer tout de suite, je ne connais pas la moitié de ces artistes, donc il est assez difficile de savoir de quelle manière chacun s'est réapproprié le matériau de base, étant donné surtout qu'il est la plupart du temps difficilement reconnaissable. La plupart des pistes restent tout de même dans un univers ambient avec quelques tendances noise de temps à autre, hormis peut-être Bernier qui réutilise nettement l'improvisation 'Cructacés' et la batterie énergique de cette pièce, ainsi que Francisco López qui fait un usage immodéré du silence. Quant aux autres pièces, il s'agit souvent de nappes sonores ambient, de longues nappes où se noient les intentions premières de Diatribes et Moimême. Une compilation calme, pas forte, où des textures numériques se succèdent pour former des ambiances souvent sombres, inquiétantes parfois, mais où les Complaintes originales percent difficilement. C'est en tout cas l'occasion de découvrir quelques artistes extérieurs à la musique improvisée, beaucoup plus proches de la musique électroacoustique et surtout électronique, dont certains comme Nicolas Bernier et Ludger Hennig pour leurs mixages et leurs manipulations/collages électroacoustiques très réussis, ainsi que Mokuhen, qui m'ont tous parus plutôt prometteurs.

Comme d'habitude, l'intégralité de cette compilation est disponible en téléchargement gratuit sur Insubordinations: http://www.insubordinations.net/releasesrwk02.html

Diatribes & Abdul Moimême - Complaintes de marée basse (Insubordinations, 2010)

A l'occasion de la sortie de la compilation Marées de hauteurs diverses, j'en profite pour écrire quelques notes sur le disque qui a inspiré les sept musiciens de cette compilation. Il s'agit de Complaintes de marée basse, une suite de sept improvisations par le duo Diatribes, c'est-à-dire d'incise (ordinateur, objets, caisse claire, cymbales, archets, etc.) en compagnie de Cyril Bondi à la batterie et aux percussions, duo auquel se greffe le guitariste portugais Abdul Moimême (deux guitares préparées, objets métalliques, cymbales, métronome, etc.).

La suite de Complaintes rassemble des improvisations plutôt variées, souvent très axées sur les percussions et toutes sortes de sons indéterminés, notamment grâce aux archets et harmoniques parfois multiphoniques, mais aussi et surtout grâce à la multitude d'objets utilisés. Des improvisations parfois calmes à tendance ambient, parfois très énergiques et rythmiques, avec également quelques touches rock distordu par moments. Le trio possède une dynamique sonore très collective où les objets et les percussions de chacun se mélangent sans non plus se confondre. L'interaction est plutôt solide et sensible entre ces trois musiciens qui collaborent régulièrement ensemble depuis plusieurs années maintenant. Et cette interaction génère des textures sonores singulières, où des percussions arythmiques se mêlent à des nappes lisses et grinçantes; car l'attention aux textures est primordiale durant ces improvisations, et le trio s'évertue continuellement à explorer les sources sonores les plus diverses, musicales ou non, tout en les confondant et en cachant plus ou moins leur origine.

Très bon boulot pour cette deuxième publication CD du netlabel Insubordinations, qu'on peut toujours trouver ici en téléchargement gratuit: http://www.insubordinations.net/releasescd02.html