Devin DiSanto - Tracing a boundary

DEVIN DISANTO - Tracing a boundary (task, 2013)
Première publication du label task records, tracing a boundary  est une composition du musicien américain Devin DiSanto, un compositeur dont j'entends parler ici pour la première fois. En regardant la pochette au début, j'ai simplement vu que sa composition était interprétée par six instrumentistes (Jess Turner, Jeff Smith, Devin DiSanto, Dan Lis, Dan Letourneau, et Max Wanderman), aux vents et aux cordes : avec une trompette, un trombone, une clarinette basse, deux guitares et un ukulele. Six musiciens que je ne connais pas non plus, une instrumentation qui à première vue ne fait pas rêver ; le seul repère étant Joe Panzner qui a masterisé le disque. Autant dire que je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre, et que j'avais peur que ce soit bien chiant.

Pourtant, la surprise a été immédiate. En fait, il s'agit d'une pièce d'une trentaine de minutes, principalement composée de field-recordings. Devin DiSanto utilise des enregistrements très quotidiens et familiers, comme si DiSanto avait enregistré en douce quelqu'un qui cherchait quelque chose dans un atelier, sans trop savoir quoi faire. On entend un fond urbain avec le trafic des voitures, quelques klaxons, et au premier plan, des gens qui marchent, qui testent un cutter, des objets qui se frottent, qui s'entrechoquent. Bruits de cartons, de plastique, de papier, règles en métal, outils divers, quelques bruits de fer ou de tôle. On ne sait jamais trop ce qui se passe, mais tout apparaît comme très quotidien et banal, comme très familier.

Quant aux instruments, on ne les perçoit que très peu. Ils n'apparaissent que par interventions aussi brèves que discrètes : deux ou trois notes, ou seulement quelques souffles qui se noient dans les field-recordings. Rien ne perturbe le bon déroulement banal des enregistrements, hormis une voix précédée d'un bip électronique qui donne à quatre ou cinq reprises des indications temporelles d'une voix neutre et mécanique, typique d'une réclame. L'atmosphère de ce disque est bien sûr proche de Pisaro, et l'esthétique semble relever de l'influence de Cage. Et oui, je suis plutôt enthousiaste face à cet intérêt porté à mettre les instruments et l'environnement au même plan. Car ici, tout est mis sur le même pied d'égalité, on ne sait pas trop ce qui est enregistré, que ce soit des pas ou des interventions "musicales", tout est sur le même plan - hormis les indications de temps.

Pour découvrir Devin DiSanto, je trouve ce disque plutôt convaincant, l'approche des bruits non-musicaux et le rôle des musiciens me semblent très bien traités dans cette composition. Je trouve les idées et la structure peut-être encore un peu floues (je me demande encore que vient faire cette voix qui nous donne certaines données temporelles) mais dans l'ensemble, je suis bien curieux d'écouter d'autres propositions de DiSanto.