Michael Pisaro - The Punishment of the Tribe by its Elders

Michael Pisaro - The Punishment of the Tribe by its Elders (Gravity Wave, 2013)
Conçu comme une sorte de double à The Middle of Life (Die ganze Zeit), The Punishment of the Tribe by its Elders semble plutôt en être le négatif, ou une sorte d’ombre sonore à la mise en scène du texte d’Oswald Egger. Hormis l’utilisation (centrale) de l’enregistrement d’un discours structuraliste sur l’idéologie du pouvoir (Barthes ? Foucault ?), aucune référence littéraire n’est utilisée ici. Ni références musicales comme sur le premier, hormis la diffusion radiophonique du finale d’un concert de classique et des influences peu présentes auparavant chez Pisaro, des influences sludge et post-rock. Il y a tout de même des matériaux communs, comme l’omniprésence des sine waves et l’utilisation de field-recordings provenant de la même session d’enregistrements que ceux utilisés durant The Middle of Life.

Ces derniers enregistrements sont d’ailleurs à l’image de l’album. Sur un toit, Pisaro enregistre l’arrivée d’une tempête. Un crescendo sombre et grave comme ces sinusoïdes très basses et de plus en plus profondes qui ouvrent cette pièce. Des sinusoïdes incessantes qui seront bientôt accompagnées de cet enregistrement sombre et menaçant capté en Autriche. C’est de plus en plus fort, de plus en plus sombre et apeurant, les field-recordings apparaissent et disparaissent sans raison jusqu’à l’arrivée d’un silence d’une petite minute. Une partie obscure. Puis vient une seconde partie plus rassurante composée de cloches dont les harmoniques sont assistées et mises en avant par des sinusoïdes toujours. Le tout forme des nappes très belles et apaisantes après l’orage dévastateur, des nappes plus claires et douces. Une partie d’environ quinze minutes qui se conclut donc avec un enregistrement structuraliste datant des années 60 ou 70 et une radio qui peine à capter.

Enfin, arrive la guitare de Pisaro, son instrument « normal »... Après une sorte d’interlude assez mélodique et aérien, épuré et sans effet, un peu à la manière de Sugimoto, Pisaro reprend les sine waves de manière aussi mélodique, et pulsée par moments, des sinusoïdes accompagnées maintenant par quelques effets électroniques subtils, discrets, mais de plus en plus sombres. Puis enfin, après la guitare, l’électronique, les sinusoïdes, le bruit rose de la radio, les pédales d’effet, l’atmosphère sombre, lente et menaçante, on arrive aux grosses bourrasques. La tempête éclate et Pisaro nous dessert de gros riffs de basse accompagnés de larsens et de distorsions dignes de Stephen O’Malley. A partir de là, tous les éléments précédents sont réemployés dans une forme qui tend à devenir opaque et éclatée, on ne distingue plus vraiment de parties, seule l’atmosphère sombre et menaçante confère de l’unité à cette séquence conclusive plus difforme et obscure que le reste de la pièce.

C’est la première fois que j’entends une œuvre aussi sombre de Pisaro, et oui c’est perturbant au début. J’ai eu un peu de mal à m’y faire au début, mais à considérer cette pièce comme le négatif de The Middle of Life, elle prend un relief inattendu et une puissance surprenante. Les autres points qui pourraient d’ailleurs rapprocher ces deux pièces, c’est la même réserve prête à éclater, une réserve menaçante et intense, ainsi que l’équilibre entre l’aspect épuré de la matière sonore et la densité de la forme adoptée. Une pièce très riche encore, surprenante pour sa structure comme toujours, pleine de sonorités et d’ambiances renversantes. Vivement conseillé.