Mike Bullock - Mild Disappearances (Songs From Under The Floorboards, 2011)


Bassiste, vidéaste, compositeur et artiste sonore, Mike Bullock n'a pas peur des barrières et des frontières institutionnelles, il peut toucher à tout, et avec talent, comme on a pu l'entendre aux côtés de Vic Rawlings, Mazen Kerbaj, ou encore Axel Dörner, que ce soit à la basse ou à l'électronique. Car ce qui semble l'intéresser de prime abord, quelque soit son moyen d'expression, c'est la matière (sonore ou spatiale) en tant que texture, et les différentes possibilités d'agencer les couches qui la composent. Pour Mild Disappearances, il compose deux pièces de musique pour ordinateur, aux aspects minimalistes et linéaires, mais loin de toute forme d'abstraction.

L'avantage qui résulte de la pluridisciplinarité, c'est la vision élargie et plus générale qu'adopte les artistes en multipliant les angles d'approche. En tant que musicien, Mike Bullock est très attentif au timbre, en tant que compositeur, il reste sensible aux structures et à l'équilibre, en tant que performer et artiste il sait insérer chaque œuvre dans un processus global qui inclue le public, l'espace, le lieu de création et celui de réception. Ainsi, la première pièce, la First Disppearance, débute par des sons étranges, numériques ou préenregistrés, qui se juxtaposent de manière apparemment irrationnelles. Sauf qu'au bout d'un moment, la structure s’éclaircit, une ligne apparaît, et à travers cette ligne répétée durant toute la piste, qui a peiné à émerger, la musique se fait théâtre, tout du moins elle se fait narrative de par son caractère linéaire. Le surgissement de la structure permet dès lors à l'auditeur de prendre ses repères et de se laisser entraîner dans cet étrange voyage numérique. Une répétition envoutante et des sonorités indépendantes, qui ont surtout une fonction narrative, forment cette musique apparemment minimaliste et abstraite, mais qui se révèlent en fait être très riche et chargée de changements et d'énergies, à l'intérieur d'une même dynamique relativement linéaire qui finit par s'intensifier jusqu'à son éclatement dans les trois courtes pistes qui l'achèvent.


Second Disappearance est assez différente et il est plutôt difficile de les comparer car il y a une ambiance plutôt similaire. La structure et la forme sont plus éclatées, plus opaques, mais on ressent néanmoins la répétition de certains éléments qui tendent à former une trame. En même temps, la spatialisation du son est plutôt proche, car les fréquences utilisées ne sont pas très éloignées de celles présentes sur la première pièce, et la gestion de l’espace sonore (hormis une présence plus marquée du silence peut-être) paraît également similaire. Et même si l’aspect narratif est moins marquant, il est sous-jacent dans la mesure où, si les idées se succèdent, elles sont néanmoins pleinement développées et déployées, comme une suite de scènes physico-acoustiques qui constituent finalement un véritable acte musical. De plus, des éléments connus comme des spectres d’instruments à vents et la contrebasse font leur apparition, une apparition éphémère peut-être, mais intense et troublante de par sa charge émotionnelle. Peut-être mois narrative car moins linéaire, la puissance de cette pièce réside surtout dans sa force émotionnelle et ses potentialités à susciter des images et des sentiments forts chez l’auditeur. Plus dispersée, mais plus riche, l’histoire fabriquée par ce second acte est pleine de dynamiques différentes et d’énergies variées, une histoire riche en timbres, en rebondissements, en idées, en couleurs, et en émotions.

Tracklist: 01-04: First Disappearance / 05: Second Disppearance